Faty

La démocratie est-elle faite pour l’Afrique?

Le serment du jeu de Paume de David, symbole du pouvoir démocratique. Crédit : la-philosophie.com

D’Europe en Afrique, le mot démocratie change de sens, la stabilité  semble bien difficile à atteindre pour les Africains…

La formule magique de l’alternance, de combat politique dans une arène des idées  ne marche pas sur le vieux contient, sans oublier Madagascar, bien sûr !

Le Mali ? Secoué chaque décennie par des mouvements rebelles indépendantistes arabo-touaregs.

Le Niger ? D’incessants coups d’Etat qui se veulent républicains.

Le Burkina Faso ? Dirigé de main de maître – pour ne pas dire de fer- par un Blaise Compaoré  qui depuis son coup d ‘Etat contre « le révolutionnaire Sankara », a transformé la présidence en un trône qu’il ne quitterait pas d’aussitôt, foi de sénateur!

La Côte d’Ivoire ? Longtemps stable, un coup d’Etat –encore un autre- fait tout basculer et une guerre a failli la partitionner, n’eut été l’intervention de la France-encore une autre !-

Soudan ? Son président, Oumar El-Bechir est inculpé par la Cour pénale internationale pour crimes contre l’humanité, mais reste soutenu par ses confrères présidents.

Le Togo ? Le fils d’Eyadema, fort Faure, s’est tranquillement installé au pouvoir après le décès de son président de père.

C’est à en croire que les partis d’oppositions africains ne peuvent pas gagner d’élections à la régulière. Et pourtant si, pourront dire certains : Wade l’a fait au Sénégal. Mais malheureusement, ce même Wade s’est sérieusement accroché au pouvoir. Aussi. Comme les autres. Heureusement que le peuple a compris qu’il avait le pouvoir de le faire partir par les urnes.

La liste pourrait bien continuer : Gambie, Cameroun, Kenya, la République démocratique du Congo, l’autre Congo, la République centrafricaine.

Il y a l’Afrique du Nord, qui connut un printemps qui emporta plusieurs ténors Kadhafi, Ben Ali… et laissa ces pays dans une instabilité inquiétante.

 


Noël à Gao

papa noël en Afrique (credit photo: rablog.unblog.fr)

Ce noël ne ressemble à aucun noël, nul part dans le monde.

Pourquoi? Parce la vieille ville qui était la capitale de l’empire songhaï est une ville foncièrement musulmane islamique. Noel est une fête chrétienne qui n’est pas dans les mœurs.  Ici.

Ici pas question de veillée, ni de repas spécial -foie gras ou canard-, de rassemblement des membres de la famille venus de partout, de cadeaux et surtout le père noël n’a aucune signification pour les enfants de cette ville. Les rues sont toujours désertes. Au loin, le phare que, les soldats chinois venus en dernier à Gao, auraient installé pour scruter le ciel. La ville semble morte. Les pseudo-djihadistes ne pourront pas reprocher à Gao d’avoir célébré cette fête-là pour faire sauter quelque chose voitures piégées ou nous balancer des obus à la tête.

Le slogan «  noël, fête des enfants » ne tient pas ici. Nos enfants ne connaissent rien à noël. Il ne fait pas partie de la culture locale.

Ici, vous pourriez passer la journée à poser la question à tous les enfants sales aux habits plus sales – quand ils en ont- et à la peau de la même couleur que celle des ânes blanc-poussière. Ils vont pieds nus. Pour écrire une lettre au père noël il faudrait au préalable savoir écrire et ensuite connaitre le père noël. Tout le folklore qui touche à Noel en Europe ou plus près, à Bamako ne concerne personne ici. Peut-être regarder la télévision qui se dit nationale pourrait permettre aux grandes personnes de se rendre contre que c’est la fête « chrétiens ». Juste.

On est musulman ici. Tout le monde. Je me rappelle qu’enfant, m’être demandée comment on pouvait croire « ces histoires » qui sont racontés autour de noël ? en réponse, je me suis dite que c’était juste une façon que les riches ont de faire la fête chaque année. Nous ne connaissons pas les cadeaux de noël et seuls les enfants des chrétiens –qui sont comme par coïncidence riches- parlaient de noël, étaient pressés que noël arrive car ils avaient droit à de nouveaux habits, des nouvelles chaussures et pouvaient demander quelque chose à leur père en l’écrivant dans une lettre. On ne s’en mêlait pas, dès l’enfance. Nous avions nos fêtes. C’est suffisant. Nous les attendions.

C’est bizarre, je ne les enviais même pas. Je connaissais déjà la différence entre ces noëls en Afrique et  les « vrais noëls » en Europe avec un gros père noël qui était habillé en rouge et avait une barbe blanche.  Je liais aussi noël à la neige-que je ne connaissais qu’à la télé- qui tombait les soirs de noël dans les dessins animés auxquels j’étais accro à ce temps-là. J’essayais de transposer nos maisons dans ce climat et je me disais que nos toits ne tiendrait pas car ils sont carrés et sans pente.

Mais maintenant je suis d’un rationalisme déroutant, me dit-on. Je suis à Gao et là, il y a-t-il encore un chrétien, pour qu’il puisse permettre à la ville de participer à ces festivités qui sont –somme toute-mondiales ?

Non. Après le passage de Mujao (mouvement d’unicité du jihad en Afrique de l’ouest), c’est impossible de  dégotter un chrétien aujourd’hui. Avant, il pouvait y avoir des fonctionnaires venus du sud, des blancs, des missionnaires qui pouvaient être chrétiens et fêtaient certainement noël. Mais le repli stratégique était aussi confessionnel.  Je sais qu’à Tombouctou, les quelques étrangers étaient restés cachés longtemps avant de pouvoir s’enfuir partir.

joyeux noël à tous ceux qui le fête…

A tous ceux qui ne peuvent le fêter…

Aux enfants pris dans les batailles , qui ne pourront pas comprendre…


Sébénikoro, quartier présidentiel mais malfamé de Bamako

Le nom vient d’un petit arbre, quand on traduit du Bambara cela donne sous  le petit « Sébé »(palmier).

ici-gît le centre secondaire de la mairie du quartiercredit photo: Faty
ici-gît le centre secondaire de la mairie du quartier
credit photo: Faty

Un quartier bien bizarre ?

Non, quartier juste pauvre  qui avait une mauvaise  réputation.  celui de porter malheur sur ses habitants.

route rouge et poussiereusecredit photo: Faty
route rouge et poussiereuse
credit photo: Faty

Le limite du territoire (maléfique ?) semble être la rivière du Woyowayanko, qui le sépare de Lafiabougou (lui, quartier du bonheur en bambara). Les autres bamakois (car les habitants de Sébénikoro semblent l’ignorer) vous trouveront des centaines de cas de personnes qui ont été frappés de malheur après avoir déménagé à Sébénikoro :

-Employé prometteur qui se retrouve au chômage juste au moment où il commençait à s’en sortir – personne ne pense au fait qu’il détournait des fonds de la compagnie ou s’adonnait à une quelconque affaire louche découverte par la direction qui lui valut un licenciement immédiat-,

-Grand commerçant dont le fonds de commerce fondit comme peau de chagrin –problème de gestion ?-

– Fonctionnaire de l’état perdant son poste ou stagnant au même poste.

un enfant rampant dans la rue credit photo: Faty
un enfant rampant dans la rue credit photo: Faty

Pourtant, Sébénikoro a le mérite de rendre heureux tous ceux qui sont à la recherche d’une progéniture. Des cas miraculeux de grossesses y auraient été aussi répertoriés. Mais cela n’empêche point à ceux qui y possèdent des parcelles de les construire et de s’y installer – heureusement !- avant ils les bradaient. Un étranger serait étonné de voir des véritables ranchs comme il n’y en a nulle part encore à Bamako. On s’en demanderait si le quartier a été loti. Si.

Mais je ne vous cache pas qu’il y a 5ans, un rapport a été fait entre les difficultés du plus populaires des habitants du quartier (IBK) à se faire élire à la députation et la renommée du quartier. C’est également le cas pour ce grand nombre de ministres d’ATT qui s’y étaient installés avec leurs familles : maintenant on ne voit même pas la poussière que soulève leur pas dans la débandade consécutive au coup d’état du 22 mars 2012.-oh capitaine général ! ».

Ce n’est pas un quartier pour les « famas », les riches, les aisés. Seuls les pauvres doivent ou peuvent résider à Sébénikoro, simplement parce qu’il est insalubre et semble être oublié par son maire une  fois passée la campagne électorale.  Dans les rues ruissellent les eaux usagées des ménages.  Beaucoup s’y lèvent une fois la nuit noire pour y déverser  les eaux des latrines –si nous pouvons les appeler ainsi-. Pas de poubelles. Les femmes y ont beaucoup d’enfants.

Un lycée qui porte le nom d’un sénégalais : Mamadou M’bodj. Le marché ? À ne pas visiter en saison de pluies. Même les terrains de foot du quartier sont rouges, rocailleux.  Mais cela rassurez-vous, cela n’est pas dû à la pauvreté mais juste à la géologie. Sébénikoro est limité par une colline au nord. J’ai bien aimé une place. Elle est bien symbolique. Juste à l’angle du marché du secteur 7. A quelques mètres de la grande véranda qui accueille la mairie. Il s’agit juste d’un hagard, pas grand. Avec « place des personnes âgées » écrit en bleu. Des vieillards  maigres et émaciés y sont toujours à discuter de politique, MNLA, Armée, Kati, IBK, France, même la Guinée (beaucoup d’entre eux sont originaires de ce pays frère dont les frontières ne sont pas très éloignées). Certains tiennent des journaux en main. Chacun y a raison.

Emprunter une Sotrama (transport en commun de Bamako) achèverait de vous convaincre. Des femmes, affublées de grandes bassines, pleines de marchandises qu’elles partent vendre au marché de Djikoroni-Para ou au rail-da : des arachides, du poisson fumé, des œufs , du cola, des jumeaux. NON, je ne me suis point  trompée, vous avez bien lu, des jumeaux, car les habitants du quartier savent tirer des bénéfices de leur malheur. Le taux de natalité est haut, sur, mais celui des grossesses gémellaires doit le suivre car ici les jumeaux abondent. Les mères les amènent au centre-ville pour mendier – sujet d’un autre billet en gestation-

Sébénikoro, Novembre 2013.credit photo: faty
Sébénikoro, Novembre 2013.
credit photo: faty

On ne dirait pas que le président du Mali réside dans ce ghetto. Seul le tronçon de bitume qui relie le quartier à Djikoroni-Para et se prolonge vers la guinée a un aspect présidentiel. Il est grand. Neuf. Entretenue ? Si on veut prendre pour un entretien la disparition des gendarmes-couchés (ralentisseurs) du trajet jusqu’au niveau de la maison du président. Mais certainement qu’ils –les gendarmes-couchés- ralentissaient le convoi présidentiel quand il s’envole vers Koulouba – colline qui abrite le palais présidentiel-. Du coup, la sécurité des  pauvres habitants du quartier en a perdu de son importance. La vie s’y arrête presque à chaque passage de ces voitures aux vitrines teintées qui ont une allure d’enfer – puis-je me permettre d’avancer car je doute fort qu’il y ait président, motard, protocole ou même bitume en enfer- En plus je ne crois pas que ce grand déploiement de policiers et autres agents de jour comme de nuit plaise aux bandits qui chériraient Sébénikoro. Mais bon ! Ils n’y peuvent rien.

« C’est l’œil qui voit son malheur qui le filtre » dit un proverbe Djerma.


Sira Diop, toute une vie d’engagement #5

Il y a exactement une semaine (le dimanche 17 novembre dernier) le Mali perdait  un monument de la lutte pour les droits et la liberté des femmes : Sira Diop.  

 

Une vie consacrée aux droits de la femme malienne credit photo: Malijet.com
Une vie consacrée aux droits de la femme credit photo: Malijet.com

Ce billet rend hommage à une dame qui a pu faire de sa vie un exemple pour chaque malienne….

Née Sakiliba Sissoko, Madame Diop est native de la ville de Ségou – fief des Bambaras- bien qu’elle soit de l’ethnie Kassonké -plutôt basée dans la région de Kayes- est une sortante de l’école des institutrices de Rufisque. Le rang de première lui va comme un gant et a contribué à faire son renom.  En effet, Tanti Sira – tout le monde l’appelle ainsi au Mali- fut la première bachelière du Mali, La première lauréate du concours des inspecteurs d’enseignement primaire en 1961, mais aussi la première directrice malienne du prestigieux lycée des jeunes filles de Bamako qu’elle dirigea de main de maitre – sinon de maitresse car elle était une enseignante hors-pair-.

La quinquagénaire était  de cette classe de femmes africaines des indépendances qui décidèrent de jouer un rôle dans le développement  des jeunes états naissants en  mettant sur pieds des organisations féminines non seulement au niveau national mais aussi africain. Comme la guinéenne Jeanne Martin Cissé, Tanti Sira Diop n’a pas ménagé ses efforts pour les droits des femmes africaines en poussant les femmes à s’organiser pour militer dans des associations  féminines mais aussi dans les syndicats et les organisations non-gouvernementales. Elle a été membre fondatrice de l’Intersyndicale des femmes travailleuses du Soudan, présidente de l’union des femmes travailleuses du Soudan –UFS-(ancien nom du Mali), présidente du congrès  constitutif de l’union des femmes de l’Afrique de l’Ouest (UFAO).

Ainsi, la popularité et le respect pour Sira Diop sont le résultat d’une vie entière consacrée à l’émancipation de la femme. Le féminisme pour elle ne se résume pas à voir en homme l’ennemi usurpateur  des droits de la femme, mais elle était plutôt adepte de la complémentarité,  pensant  que l’éducation de la jeune fille était le meilleur des moyens pour lutter pour l’égalité.

« Ce n’est pas une lutte contre les hommes. Ici, c’est la promotion des femmes » disait-elle avec sa sagesse légendaire.  Donc je –et vous certainement- comprends aisément qu’elle ait  milité pour la promulgation du code la famille qui a fait tant de remous au Mali en faisant vaciller le pouvoir d’ATT qui le renvoya en relecture à l’Assemblée nationale – je me demande ce que les députés en ont fait sous la menace des talibans de Bamako-. Beaucoup de maliens ne  partageaient pas son point de vue sur le sujet en 2009. Par ce code, elle touchait enfin aux buts fixés depuis  1950. Les femmes peuvent  enfin échapper aux poids et à l’injustice de certaines  traditions.

Bien que musulmane, elle a dénoncé l’islam fondamentaliste qui est en train d’envahir le Mali « Le Mali n’est pas une république islamique ! Je suis pour l’adoption de ce code, qui va permettre à toutes les communautés de se trouver sous une loi commune » disait-elle au journal du Mali en 2007 lors d’une interview sur ce même code de la famille.

C’était une dame de fer qui jouait sur plusieurs tableaux, accumulant les fonctions et provoquant l’admiration de la jeunesse qui jouissait toujours de ses conseils et de son expérience. Toutes les occasions étaient bonnes pour elle pour aider, orienter, soutenir, aimer, donner….

Un  CV riche, une notoriété qui dépassait les frontières de son pays natal, toute une vie de lutte, de partage.

Celle qui a été surnommé « le fleuve intarissable »  -badjiba djabali en bambara- par la réalisatrice malienne Fatoumata Coulibaly est partie…

Repose en paix !!!

 


Regards croisés sur l’immigration

Le drame de Lampedusa en a beaucoup interpellé  à travers le monde notamment les mondoblogueuses qui ont ainsi décidé de mettre en commun les expériences et les plumes pour parler de cette « immigration » sur plusieurs angles, vu de leurs pays :  avec Marine Fargetton , bloggeuse dessinatrice et Pascaline de France, Faty du Mali (pas Fatou la malienne, ce film que je n’ai pas aimé du tout !) et Danielle Ibohn et Josiane Kouagheu pour le Cameroun.

  1. Marine Forgetton illustre toute la batterie d’émotions qu’éprouvent les parents des immigrés

 

l'immigration vu d'Afrique
l’immigration vu d’Afrique

2. L’immigration ne serait-elle pas une histoire sans fin ? question introductive de Pascaline Breuil, mondoblogueuse de la 2ème  saison qui était , ancienne expatriée en Egypte.

Telle est ma question lorsque je regarde mon pays, et ma ville, Marseille dont on dit un temps qu’elle fût porte de l’Afrique, construite par l’immigration. La porte semble aujourd’hui fermée, ou à sens unique. Et comment peut-on, dans ce contexte, imaginer une mer Méditerranée qui serait « notre mer » (mare nostrum) à tous ? Une mère est-elle capable de laisser mourir ses enfants ?…

Du côté de cette mer où je vis désormais, l’immigration, c’est l’immigration choisie dont parle Fatou Diome, dans son livre Celles qui attendent (Flammarion, 2010) :

«Qui choisit ? Comment ? Et pourquoi faire ? Répondre à ces questions […] c’est jeter une lumière crue sur les rapports Nord /Sud de notre époque. »

Mon expérience de l’immigration, c’est cette mère de famille malade et menacée d’expulsion que j’ai rencontré . Il y a deux ans de cela. Un groupe de soutien s’était  formé, épaulé par le Réseau Education Sans Frontière, qui se bat pour la régularisation des enfants sans papiers scolarisés et de leurs familles, et qui lutte contre les lois « injustes et intolérables ».

L’immigration pour moi, c’est aussi cette étudiante chinoise, que j’ai connue quelques temps plus tard. Elle venait d’obtenir son diplôme mais continuait de s’inscrire à l’université pour pouvoir rester en France, travailler pour une entreprise dans un stage qui n’avait que le nom et le «tarif». Elle vivait à Paris mais avait fait sa demande de renouvellement à Marseille car les délais d’attente étaient moins long et son dernier visa d’étude allait expirer. C’était à l’époque où le changement de statut entre visa étudiant et visa de travail avait été rendu plus difficile par la circulaire Guéant, du nom du ministre de l’intérieur de cette époque peu glorieuse.

L’immigration pour moi, c’est aussi cette homme arménien, qui au travail m’avait appelé paniqué car on lui demandait 200 euros de timbres fiscaux pour renouveler sa carte de séjour. « Vous devez faire erreur sur la somme monsieur ce n’est pas possible !» lui avais-je répondue, naïvement, avant de constater que c’était effectivement la somme demandée pour une demande de carte de séjour de 10 ans et de me raviser.

L’immigration pour moi, c’est enfin cette amie d’origine algérienne, pourtant française à qui l’on demande régulièrement d’où elle vient, comme si elle descendait de l’avion à chaque instant. C’est cette autre amie américaine, pourtant sans statut et donc sans droit de travail en France, car un jour il y a 7 ans lorsqu’elle a déposé son dossier de demande de visa, elle a été mal orientée et son dossier « égaré » ne peut aujourd’hui rien prouver sur cette demande et sur son séjour ici depuis cette date. Mes exemples sont si nombreux. Car l’immigration ce n’est pas ma vie et ce n’est pas mon expérience, pourtant c’est celle de mes proches, mes copains, mes voisins aussi. Comment pourrais-je ne pas m’y intéresser ?

L’immigration à Marseille, je la croise tous les jours dans mon immeuble, qu’elle soit de première, deuxième ou troisième génération. Qu’elle soit ici pour étudier ou pour travailler. Qu’elle soit  algérienne, tunisienne, comorienne ou encore camerounaise. Elle a plusieurs visages et recouvre de multiples réalités. La cohabitation n’est pas toujours facile ; ainsi j’entends parfois au détour d’un couloir que ce sont les nouveaux arrivés qui profitent des aides sociales et ne veulent pas travailler. Les comparaisons faciles : « ma mère est algérienne, pourtant elle a toujours travaillé quand nous étions petits ». Alors quand je dit qu’il ne faut pas généraliser, que la réalité est bien plus compliquée que cela, on me répond que je suis jeune et naïve.

Pourtant, ce que nous avons en commun, ma voisine et moi, c’est justement cette jeunesse de moins en moins naïve quant-à notre réalité, et la précarité de notre situation.

« Blanche neige » et « Shéhérazade » ont toutes deux troquées leur palais contre un logement social.

Alors si moi aussi je pensais à émigrer…  où l’herbe serait plus verte et l’économie plus florissante pour rêver de meilleurs lendemain… qui viendrait me le reprocher ?….

3. Faty, le  Mali et l’immigration

Les statistiques  sur l’immigration  au Mali peuvent paraitre déroutantes mais elles sont loin d’être exhaustives si nous tenons compte de cette immigration clandestine qui déverse, chaque jour des nouveaux candidats au départ,  en Europe.

Au début, les maliens partaient plutôt vers la cote d’ivoire, le Ghana, le Gabon… les pays africains plus développés qui offraient une meilleure alternative que la migration des ruraux vers les centres urbains. Le gain est beaucoup plus important, même  s’il faut mettre plusieurs années pour revenir – si jamais retour il y a !-

C’est avec la participation  des « tirailleurs sénégalais » – qui n’étaient pas que des sénégalais-  aux guerres mondiales que les frontières du monde se sont ouverts aux maliens. Ils découvrent un monde grand et les devises étrangères – qui donne tellement de francs maliens une fois convertis-, notamment  le dollar, le franc français, les monnaies des pays arabes et c’est parti pour une ruée vers l’or.

Une ruée bien légitime quand on se permet de jeter un coup d’œil sur les indices de développement du pays qui n’arrive pas à  prendre son envol malgré les efforts– si minces qu’ils en sont devenus invisibles- de l’armée qui s’est installé au pouvoir après avoir mis, Modibo Keita , son panafricanisme et ses idées teintées – d’autres diront noircies- de socialisme rêveur, au cagot.

Beaucoup de maliens sont partis vers d’autres cieux d’autres cieux et une culture de l’immigré est même née dans certaine ethnie comme les Sarakolés (également appelés markas au Mali qui ont une prédilection pour les USA, l’Europe), les Songhoïs  (Niger, cote d’ivoire, Ghana)… Ces départs vers l’eldorado saignent des zones entières du Mali. La région de Kayes en est l’exemple palpant : toutes la société est axée autour de cette immigration qui la dépouille de ses bras valides, mais heureusement que les partants gardent un lien fort avec leurs familles qu’ils continuent à entretenir par des envois d’argent incessants.

Ces immigrés gardent un lien fort avec racines et ils reviennent d’habitude prendre femme au village. Des femmes dont la vie est peu enviable. Peut-on être heureuse de construire toute une vie autour d’envois d’argent et de coup de fil ?

Certaines femmes ne voient « les élus de leur cœur » (si nous nous permettions d’effacer de nos mémoires les rôles joués par les familles dans ces mariages arrangés où des femmes n’ont aucun mot à placé.) que par intermittence, le temps d’une visite quand ils arrivent à se faire régulariser, sinon la séparation peut durer plusieurs années. Cela n’empêche point à certains de ces immigrés de se marier à plusieurs femmes au pays et d’en avoir une dans le pays d’accueil (c’est le cas de ceux, évolués –je veux dire instruits, je ne fais jamais dans le racisme moi !-qui ont compris qu’ils pouvaient avoir des papiers plus facilement en s’entichant au mieux avec une africaine régularisée, au pire avec « une blanche »). Sinon, les Sarakolés – qu’ils ne le prennent pas mal- peuvent rester en France longtemps en vivant au foyer et en économisant tout ce qu’ils gagnent pour envoyer à  père, mère, femmes, frères, sœurs restés au Mali, ne pensant au bonheur qu’ils éprouveront pendant les séjours au pays.  Ils trouvent bien parfois les femmes mères de plusieurs enfants, qui bizarrement leur ressemblent mais ne disent mot.  Je me rappelle de ce gag que j’ai entendu à la radio :

Un jeune Sarakolé qui appelle son père pour se révolter «  mais papa comment pourrais-je être le père de cet enfant, je n’ai jamais vu ma femme ? » et au père de lui répondre : «  mon fils, quand tu naissais, je ne connaissais pas ta mère aussi ! » alors envoi l’argent du mouton et tais-toi.

Ils Acceptent avec humilité la situation et repartent le cœur plein de souvenirs qui leur permettront de tenir face aux durs hivers et travail qui les attendent quand ce n’est pas le racisme.

Oui, le racisme est l’un des problèmes que rencontrent les immigrés. Il est partout présent de Paris à Los Angeles en passant par tripoli ou Rabat.  Ce n’est pas facile d’être noir  dans un pays où la majorité des habitants sont plutôt pales de teint. Serge Katembera a bien eu un coup de gueule face à l’assassinat d’un jeune congolais au Brésil en envoyant une émouvante lettre à la présidente à Dilma Rousseff, mais Mamady Keita aussi parle de ce racisme si présent en Ukraine, Limoune en Tunisie,  Jean-Michel Hauteville en France, Salma Amadore au Cameroun, Boubacar Sangaré du Mali… et aussi ces jeunes maliens qui ont traversé le désert pour l’Algérie frontalière du Mali en ayant d’abord opté pour une immigration clandestine vers l’Europe par les eaux tueuses de l’océan avant de trouver du travail plutôt bien rémunéré –quand ils comparent au Mali où ils n’avaient rien- et d’y rester.

Ils sont au nombre de 6 et ont emprunté le même car que moi, pour Bamako. Ils sont venus d’Algérie par Tamanrasset (ville frontalière algérienne). Ils sont emplis d’amertumes. Ils ne savent pas que j’ai déjà commencé la rédaction de ma contribution à ce billet commun. La ligne de mon article en a été transformée car je me voyais juste surveiller le racisme.

« Ces souraka (arabes) ne sont pas des humains, non, en fait c’est nous qui ne sommes pas des humains pour eux. Ils  prennent les noirs pour des ânes. Pas parce qu’ils pensent que nous ne sommes pas intelligents (même cette hypothèse aussi est possible) mais surtout parce que nous eux, nous sommes des animaux qui ont la peau très dur et endurent tout. Quand ils te donnent un travail qu’un homme normal fait en 3h, ils veulent que tu le fasses en 1h et les voilà qui te crient dessus  « yalla !yalla ! ». »  Me confie celui qui a été un voisin si serviable pendant les 30 h qu’ont duré notre voyage de 1200 Km entre Gao et Bamako, Moussa.

Voyant l’un d’entre eux trainer la patte –je veux dire le pied, oubliez le bourricot !- je me suis empressée de lui demandé si c’était parce que son pantalon – Adidas, s’il vous plait – tombait trop  et laissait voir un caleçon d’une couleur orangée.

–          non, grande sœur – ce nom me colle presque à la peau- ce sont les arabes qui nous ont bastonnés là-bas

–          pourquoi ?

–           oh juste parce qu’ils ne nous aiment pas et n’acceptent pas que nous puissions gagner de l’argent chez eux, pourtant eux préfèrent ne pas travailler et  crier contre leur gouvernement.  Ils sont entrés dans notre dortoir la nuit vers 2h du matin pour nous battre et prendre tout ce que nous avions. Beaucoup ont fini à l’hôpital, nous avons choisi de revenir au Mali avec ce que nous avions caché ailleurs. Sinon ils nous ont tout pris, télé, téléphone, vêtements de marque…

–          Vous êtes rentré sans problème ?

–          Non, cela décourage de voir la conduite des hommes de tenue sur les route au Mali, de l’Algérie à ici, j’ai pratiquement perdu tout ce qui me restait. il faut arranger tous les postes. J’ai une télé écran- plat que j’ai eu envie de jeter dans le désert tellement ils m’ont fatigués. Si je savais j’allais garder l’argent pour l’acheter au Mali.

–          Tu y retourneras ?

–          Oui dès que ça se calme. Je vais prendre le temps de manger -dépenser- ce que j’ai-

–          Malgré tout ca ?pourquoi ?

–          Parce que je n’ai pas étudié et que je ne trouverai pas de travail aussi bien payé que là-bas à Bamako. Je n’ai pas de choix, sauf si je fais comme les amis, je me contente des miettes que mes frères me donneront et que passerai mon temps à faire du thé devant notre concession. Je n’ai pas le choix ! IL faut que je reparte.

Comme ce jeune Abdoul, beaucoup de jeunes maliens se retrouvent sur les routes de l’immigration clandestine pour échapper au chômage, par fierté. Chaque jour. Combien meurent dans le désert du Niger en cherchant à rejoindre la Lybie, l’Algérie ou la Tunisie ?

4.  « Douala, cet autre eldorado » par Josiane Kouagheu

Deux chèvres broutent. Un coq picore. Une poule, accompagnée de ses poussins, va à la quête des graines à picorer. Des oiseaux gazouillent. Je regarde tout ce spectacle de la gare routière de mon village. De ce qui tient lieu de gare ici. Un banc couvert de poussière, deux régimes de plantains, juste à côté. Mais ce qui m’intéressait n’était pas ce spectacle. C’était ce que je lisais dans le regard de ces jeunes qui nous observaient. Ils savaient que nous allions à Douala. Ils étaient venus nous dire au revoir. Comme toujours, ils étaient surtout venus nous entendre leur raconter nos derniers souvenirs.

Douala, cette belle ville, pensaient-ils. Pour eux, j’allais où il y avait de l’avenir. Chacun d’eux rêvait de Douala comme nous, habitants de Douala, rêvions de découvrir Paris, New-York, Berlin, Rome, Londres, Barcelone… Leurs regards sont pleins d’étoiles. Pour eux, Douala était où ils pouvaient avoir un bon boulot, un peu d’argent, une vie en rose quoi. Au village, le jeune cultivateurs « Man », par exemple, allait au champ le matin, buvait du vin de palme le soir avec ses amis au club « matango », cet espèce de bar villageois. Il regardait la télévision de temps en temps chez le grand boutiquier du village. « Monotone, moche… cette vie », disait-il dans son cœur. Il n’y avait même pas d’électricité par ici.

Et Douala devenait leur eldorado

Je l’ai lu dans leurs regards. Lors de nos discussions, ils m’observaient toujours, comme si j’étais une certaine « idole », un peu comme nous, devant les « mbenguistes », ces camerounais qui vivent en occident. Je viens de Douala, voilà ce qui les intéresse. Je peux les aider à y arriver. Ils me disent alors qu’à Douala, ils trouveront un emploi, n’importe lequel. Ils pourront tout faire. Ils me disaient avec assurance, qu’il y avait du travail pour tout le monde. Et au fil des années, certains ont réalisé ce rêve.

Ils sont arrivés à Douala. Plusieurs sont devenus des voleurs. Ils ont été tués dans « leur » Douala. D’autres sont des enfants de la rue, des prostituées. Certains ont réussis. Mais au finish, la majorité a su que Douala n’était pas cet eldorado dont ils rêvaient. Ils ont déserté leur village, cet espace plein de terres vierges, qui appellent des cultures. On peut le transformer en richesse. Mais, Douala attire. Douala, c’est leur eldorado.

Entre l’exode rural et l’immigration, le Cameroun perd ses fils

5. Danielle Cynthe Ibohn ou l’immigration culturelle

Je suis censée écrire sur l’immigration depuis une semaine. Mes copines mondoblogueuses étions biaisées par ce qui se passaient à Lampedusa. Alors nous décidâmes d’en faire un billet. Ceux qui partent et ceux qui restent. Je vais être sincère. Mon point de vue sur ce thème ne sera pas objectif. Je suis issue d’une tribu qu’on appelle les « Sawa » au Cameroun. Nous sommes le peuple de l’eau. Nous y vivons, nous nous nourrissons. Chez nous, l’ascension sociale se définit par le nombre d’immigration que fait votre famille en Europe. Je suis sûre que si vous recensez le canton « sawa » 70 % ont immigré et 30% restant cherche à y aller. Alors lorsqu’on parle d’immigration, je ne sais pas comment trop réagir.  Cependant, une chose mets tout le monde d’accord ; C’est une question culturelle l’immigration. Si pour bon nombre, elle est liée à des difficultés financières. Chez nous, ça n’y est pas forcément. Le fait d’y être est un exploit, une ascension dans la société « sawa »

Je parlerais  comme une anthropologue en immersion dont le sens de l’objectif ne peut être présent car en immersion depuis 25 ans. Pendant des années, une jeune sawa peut économiser juste pour avoir son ticket pour « mbeng » la plupart du temps, la famille ne sait ce qui se passe là-bas. Mais une chose doit être certaine. Il faut au moins un Western union par mois. Aucune fête de fin d’années ne se passe sans eux. J’aime ma tribu, mais bon. Je ne comprends cet engouement pou l’Europe. Ce n’est pas impossible pour eux de braver Lampedusa. Mais ça c’est tabou. Comment on y va, comment on y vit. Tout ce qui compte c’est l’apparence. L’arrivée est majorée par un coup de fil dont on informe le voisinage à tue tête en y répondant. Plus moderne, aujourd’hui il se traduit par les réseaux sociaux et facebook où sont affichées les photos de l’arrivée.

Na mala o Franci , j’irai  en France

Na mala o Europa, j’irai  en Europe

J’épouserai  un blanc et j’aurai  des métis

Qui sait ? Ils disent tous que c’est dans nos gènes l’immigration

Allez Son’aponda !