Une journée presque comme les autres… A Tombouctou.
La vieille ville essaye d’ignorer ce qui se passe autour d’elle pour subsister… exister. Vivre. Tombouctou respire une grande tranquillité. On dirait qu’elle ne se trouve pas dans cette zone de grande insécurité qui fait la Une des journaux d’information et autres magazines des grandes chaînes occidentales. Ceux qui craignaient de venir et voulaient rester à Bamako contre vents et marées trouvent la cité des 333 saints trop calme. Surtout la nuit. Mais c’est cela Tombouctou, leur répondis-je, dans un éclat de rire. Nous sommes tranquilles ici.
Aucune inquiétude ne peut être lue sur le visage des habitants qui continuent leur vie si particulière. Une vie ponctuée par les cérémonies grandioses de mariage, les baptêmes qui se prolongent jusqu’à la nuit, avec ses griots habituels dont le charismatique Mallé Hamadoun, préféré des femmes, toujours habillé d’un boubou neuf. Il faut dire que dernièrement la moisson est plutôt généreuse. Les gens, surtout les femmes se rattrapent dans ce que j’appelle gaspillage et futilité. C’est à qui donnera le plus de pagnes, d’argent aux griots et autres personnes de castes ou qui se proclament telles et parfois t’agressent pour un billet de 1 000 F CFA.
Une journée presque comme les autres… d’avant ces pseudo adorateurs d’Allah qui n’ont aucun respect pour l’être humain. Ils se disent fidèles à la Sunna (tradition) du prophète – Mohammed paix et salut sur lui- et pourtant ils semblent ignorer tout du respect qu’il avait pour la vie humaine. Ce ne sont que des sbires des cheikhs qatariens -qui s’amusent en regardant des courses de chameaux montés par des enfants (esclaves) ou en séjournant dans des hôtels high-tech qui achètent pour mieux en jouir ou achètent des clubs européens de football en difficulté à coups de pétrodollars.
D’ailleurs, je n’arrive pas à comprendre ce mot islamiste.
Est islamiste celui qui tue pour défendre l’islam ? Qui tue et maltraite même des musulmans ? Ces gens – les soi-disant islamistes- ne font que nuire à une religion qui est bien éloignée de cette violence, de cette barbarie. L’islam est partage, amour, respect, modération… il l’était à Tombouctou depuis des millénaires. La venue de ces barbus qui entrent dans la grande mosquée avec leurs sales et grosses chaussures n’y a pas changé grand-chose. La sagesse a recommandé la modération. Ils partiront comme ils sont venus nous trouver chez nous. Allah nous voit tous et sait, qui est croyant ont prêché les marabouts à Tombouctou. Ils ont eu raison. Pas un habitant de la ville n’a pu être une victime de ces barbares.
Pendant presque une année, la ville de Tombouctou, son patrimoine si précieux pour l’humanité, ses manuscrits millénaires, ses habitants, ses traditions… ont été les otages de ces barbares. Elle a attendu, patiemment. Un 11 janvier le calvaire a pris fin.
Ainsi, on dirait que Tombouctou veut effacer cet épisode douloureux, ce passage – espérons que c’est le dernier- des narcotrafiquants qui se réclament djihadistes qui a obligé chacun à faire profil bas. Sous le règne d’Ansar Dine tout rassemblement était interdit. Plus de faste pour les mariages qui se déroulaient uniquement à la mosquée, sans tam-tam, ni kôlô (petits tambours en peau de chèvre que les femmes tiennent d’une main pour le frapper de l’autre). Pas de mairie – c’est ainsi qu’on appelle le mariage civil à la mairie- ni de cortège faisant le tour de la ville tambour battant. Tous les mariages célébrés durant cette crise l’ont été dans le silence.
Je suis retournée dans ma ville natale si aimée depuis octobre dernier… Quel soulagement ! beaucoup , comme moi, ont pris la route piste du retour, préférant fuir Bamako surpeuplée.
Tombouctou, crédit photo: Faty
A Tombouctou, la vie est plutôt tranquille, presque arrêtée. Les hivers sont rudes, les vents sifflent et irritent la peau de celles qui ne portent pas le voile. Malgré le vent je décide de sortir. Maintenant que ma fille va à 4 pattes, je me suis dit qu’il fallait lui trouver une trotteuse. Elle en a besoin. Moi aussi. Elle fera moins de dégâts. Elle tombera moins.
Et me voici assise derrière ma petite sœur, sur sa Djakarta – elle est meilleure conductrice, croyez-moi – direction « foire yobou » « marché de la foire ». C’est le marché le plus éloigné de chez moi. Nous avons fait le tour du marché, scrutant les étalages. Pas la moindre petite trotteuse. Peut-être que les commerçants qui pourraient avoir l’engin hésitent encore à venir. Ils sont été les victimes de la destruction rageuse des troupes du MNLA & Co. Ils réfléchissent avant de rouvrir.
Maintenant faut redescendre, voir s’il y en a au grand marché « yobou ber ». Encore une fois rien. Que de la farine, du savon, des voiles (oui !!! les mêmes qu’Ansar Dine a voulu se convaincre d’être l’ initiateur du port à Tombouctou, alors que les femmes le portent depuis bien longtemps), du thé. Des biscuits secs – que nous appelons biscuit dogon – Mais pas de trotteuse.
Une petite distance sépare le marché le plus fréquenté de Tombouctou –même des casques bleus- : ses ruelles sont encombrées d’ustensiles. Le marché des habits de seconde main provenant d’Europe qu’on appelle yougouyougou est bien florissant. Celui des couvertures et des tapis qu’apportent les commerçants arabes aussi, malgré les coupeurs de route et les assassinats dans cette communauté… Aujourd’hui, la brousse semble inhabitable. Beaucoup de ces nomades sont visibles en ville. Ils sont reconnaissables à leurs habits pas très propres de couleur bleue de préférence pour les hommes et les femmes, allez comprendre pourquoi !
« Incroyable, mais pas une trotteuse dans la ville mystérieuse, Il me faudra trouver une solution de rechange » dis-je à ma sœur quand au bout de la rue pavée devant laquelle s’asseyent les femmes de « taara bongou » (des femmes qui font du maraîchage aux alentours de Tombouctou), on voit une trotteuse devant la boutique d’un grand supporter du Real Madrid.
Mais très vite nous déchantons, la petite barre par laquelle je veux prendre la trotteuse me reste en main… je me demande dans quelle province de la Chine celle-ci a été fabriquée.
En somme, pas de trotteuse… il y a la Minusma, des voitures de toutes marques, des casques bleus et des hommes de toutes les nationalités imaginables à Tombouctou, mais impossible d’y trouver une petite trotteuse.
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